Penser une plantation de cacao
Bien avant la mise en terre du premier plant, il est ainsi nécessaire de penser une plantation de cacao. Dans le cadre du lancement de Forestera, nous initions une série d’articles sur les points clés liés à la culture (responsable) du cacao : le choix des variétés, le design d’une plantation agroforestière à cacaoyer, l’étude des sols.
Le cacaoyer est un petit arbre poussant à l’ombre des forêts tropicales d’Amérique du Sud. Peu productif à l’état naturel, malade lorsqu’il est cultivé en monoculture sans ombrage, sa culture durable fait donc face à deux défis : recréer une certaine ambiance de sous-bois, en s’inspirant de l’habitat d’origine, au sein de parcelles agroforestières riches en essences ligneuses et fruitières, tout en assurant une bonne productivité, garante de la pérennité de l’activité. Cela passe par le choix des variétés, leur densité à l’hectare, le choix des arbres d’ombrage, la qualité du cacao souhaitée.
Le choix des variétés de cacao
Depuis le début de notre histoire commune avec le cacaoyer, il y a plus de 3 000 ans, nous en avons sélectionné, croisé, acclimaté, créé des centaines de variétés, aussi appelés « cultivars ». Certaines sont réputées pour leur productivité, d’autres pour leur caractère fin ou aromatique. Le choix des variétés d’une parcelle est complexe, souvent propre à chaque plantation. Il prend en compte des considérations agronomiques (variétés locales, souvent plus adaptées au site, variétés plus résistantes à la sécheresse, sensibilité aux maladies, etc.), organoleptiques (quelle qualité de cacao ? Quels assemblages, pour quels chocolats ?), écologiques, économiques (quel rendement à l’hectare ?). Par ailleurs, si certaines variétés étaient plantées seules, elles ne produiraient pratiquement rien, leurs fleurs ne seraient pas pollinisées, fécondées. Elles ont besoin de diversité, de la présence à proximité d’autres variétés pour se charger en cabosses. La compatibilité des cacaoyers d’une parcelle doit être étudiée rigoureusement.
Le choix des essences forestières et fruitières
Toute agriculture part du sol, une interface vivante (les modèles intensifs l’oublient), dont la dynamique requiert une litière riche et diversifiée. L’introduction d’arbres dans les parcelles cacaoyères permet de générer cette précieuse litière, mais aussi d’apporter l’ombre nécessaire à la croissance des jeunes cacaoyers qui nécessitent un ombrage assez fort lors des premières années, de favoriser le retour d’une biodiversité (oiseaux, insectes pollinisateurs, singes, paresseux), et éventuellement être une source de revenus complémentaires pour les producteurs comme la commercialisation de bois d’œuvre et de fruits. Cependant, tous les arbres ne sont pas bons à planter parmi les cacaoyers, certains sont trop compétiteurs, favorisent l’apparition de maladie, de champignons, d’insectes ravageurs, d’autres acidifient le sol, ont un feuillage trop dense, où encore des branches qui cassent facilement. Il est aussi nécessaire de prendre en compte le fait que l’ombrage dont a besoin le cacaoyer évolue au cours des années. Là encore, les mélanges d’essences sont à étudier avec soin.
Vigilance au cadmium dans les sols
Enfin, il est une problématique qui touche particulièrement les pays d’Amérique du Sud : le cadmium, un métal (comme le plomb, le cuivre) toxique présent dans certains sols, et qui peut dans certains cas être retrouvé dans les fèves de cacao. Le cacaoyer concentrerait ce métal dans des conditions de « stress », c’est-à-dire en cas de sécheresse, où s’il a été planté sur des sols trop pauvres pour assurer ses besoins élémentaires. Il est donc particulièrement important d‘une part d’étudier les sols avant de mettre en place une parcelle, et d’autre part de créer un environnement sain et favorable au cacaoyer, dans lequel il ne manque de rien.
Une plantation de cacaoyers durable se réfléchit pour être le meilleur compromis entre un écosystème forestier et un espace agricole et cultivé. Un travail passionnant, intégrant des considérations scientifiques et agronomiques, mais aussi sociales et culturelles. Il existe ainsi autant de systèmes agroforestiers que de plantations !